Qui est Charlotte Perriand, la designeuse qui a libéré la femme ?

Et c’est d’une femme, évidemment, dont nous allons vous parler. Elle a révolutionné l’intérieur des maisons (et des cuisines notamment) pour faciliter la vie des autres femmes : l’architecte et designeuse Charlotte Perriand.

« Féministe d’avant-garde », « designeuse culte » sont les qualificatifs qui reviennent le plus à la lecture des nombreux ouvrages consacrés à Perriand. Par-delà son réel talent de dessinatrice-conceptrice et la finesse de ses créations, ce sont bien ses engagements et ses travaux concernant l’habitat, la place de la femme dans la société ou encore l’environnement qui la caractérisent encore aujourd’hui.

Charlotte Perriand ou « l’art d’habiter »

C’est à la suite d’une opération de l’appendicite, à 10 ans, que Charlotte a une révélation en rentrant de l’hôpital. Elle découvre l’incroyable potentiel des espaces vides : « Lorsque je suis rentrée à la maison, il y avait trop de jouets, trop de meubles, trop de choses… »¹ dit-elle. Elle reconnaît dès lors avoir cherché le vide « tout-puissant par ce qu’il peut tout contenir » dans ses créations. 

La carrière de Perriand commence dans les années 1920. Elle est rapidement reconnue pour ses créations innovantes, en décloisonnant, par exemple, les intérieurs des maisons bien avant l’heure, en libérant l’espace au sol ou en créant des meubles légers.

En 1927, à 24 ans, elle rejoint l’atelier de Le Corbusier. Elle va travailler sur des habitats modernistes et développer cette idée profondément ancrée en elle : le « logement minimum ». Elle quittera cet atelier, mais sans cesser de concevoir objets et habitats pratiques et fonctionnels toute sa vie, comme la station des Arcs en 1967 puis en 1989.

Simplicité et modernité comme mantra

Le travail de Charlotte Perriand peut se « résumer » à 3 caractéristiques : fonctionnalité, simplicité et utilisation de matériaux modernes.

Elle s’intéresse particulièrement à la conception de meubles pour les petits appartements, défiant les normes de l’époque. Pour elle, les meubles doivent être fonctionnels, confortables et s’adapter aux besoins des personnes qui les utilisent. Ses créations font la part belle aux lignes épurées, aux couleurs vives et aux formes simples, tout en étant à la fois pratiques et esthétiques.

L’une de ses créations les plus célèbres est la chaise longue LC4, qu’elle a imaginée en collaboration avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret, en 1928. Son design s’écarte radicalement des meubles traditionnels de l’époque, avec une structure minimaliste en acier et un revêtement en cuir. La LC4 est conçue pour être adaptable, avec un appui-tête mobile qui peut être ajusté à différentes positions pour un maximum de confort.

Une autre de ses créations emblématiques est la chaise « B306 ». La chaise est fabriquée en acier tubulaire et conçue pour être empilable, facile à ranger et à transporter. La chaise B306, conçue an 1930, a été une révolution dans la conception de meubles. C’est l’une des premières chaises à être entièrement en métal.

Plus tard, Perriand participe à la conception de plusieurs bâtiments modernistes importants, dont la Maison du Brésil ou le siège de l’UNESCO à Paris. En plus de son travail de designer ou designeuse, elle est une ardente défenseure des causes sociales et politiques, et ses créations reflètent son engagement à créer un monde meilleur et équitable pour tous.

Bon à savoir !

1903 : Naissance à Paris. 

1927-37 : Début de sa collaboration avec Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret. 

1930 : Rencontre avec Fernand Léger. 

1933 : Première collaboration à la Cité universitaire internationale de Paris avec la Fondation suisse.

1940 : Elle part pour le Japon

1957-58 : Aménage le palais des Nations à Genève, siège européen de l’ONU.

1967-82 : Construction et lancement de la station de ski des Arcs. 

1999 : Décès à Paris

3/Une féministe d’avant-garde !

Féministe, Charlotte Perriand l’est résolument dans son travail. Dessiner et réaliser des meubles fonctionnels, facilitant le rangement, c’est une façon pour elle de libérer les femmes. Quand, à la Cité Radieuse de Marseille, elle imagine une cuisine entièrement intégrée, avec plein d’astuces de rangements, et surtout ouverte sur la pièce à vivre, elle autorise enfin la femme à « sortir de sa prison », à ne pas être exclue des conversations. Ses sièges, quant à eux, sont conçus pour s’adapter aussi bien à la morphologie masculine que féminine.

Bien qu’elle ne s’identifie pas explicitement comme féministe/ Bien qu’elle ne se revendique pas féministe, Charlotte Perriand est une pionnière dans une industrie alors dominée par les hommes, défiant les normes de genre et plaidant pour l’égalité des chances hommes/femmes. Faisant partie intégrante de l’atelier de Le Corbusier, elle a été malgré tout victime de discrimination en tant que femme, ses collègues masculins rejetant ou s’appropriant ses idées.

Mais Perriand a toujours refusé d’être freinée par ces barrières de genre : en 1929, elle cofonde l’Union des Artistes Modernes (UMA), qui comprend/réunit/rassemble/fédère de nombreuses femmes designers et artistes. Le but est de remettre en question les rôles de genre traditionnels et de créer de nouvelles opportunités pour les femmes dans l’industrie du design.

Charlotte Perriand a vécu 96 ans et n’a cessé de créer. À plus de 90 ans, Charlotte Perriand était encore plus avant-gardiste que jamais : « Il faut vivre pleinement dans son époque, sans nostalgie, en utilisant les matériaux et les techniques du temps présent, des lieux et des coutumes. C’est ce qui permet de créer la diversité, source de vie ».

¹ : cité in Charlotte Perriand, pionnière de l’art de vivre, documentaire de Stéphane Ghez, Arte France.